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François Roustang, maître de l'hypnose

Le philosophe et psychanalyste François Roustang s'est éteint dans la nuit du 22 au 23 novembre 2016. Même si ses textes feront toujours entendre sa voix à nulle autre pareille, son regard, sa pensée si forts, réconfortants et iconoclastes vont terriblement manquer. En janvier 2015, il avait accepté, pour Psychologies, de lever le voile sur le mystère de sa vie et de la vie.


Interview de Francois Roustang par Hélène Fresnel


Avez-vous remplacé une foi par une autre en vous formant à cette pratique?

François Roustang : Vous posez la question du rapport de la croyance à la vérité. L’important est de ne pas chercher à se consoler de la perte d’un dogme par l’adoption d’un autre dogme. Il est sans doute exact que, lorsque l’on a fait une fois l’expérience de la désillusion, on est moins enclin à la croyance. Mais cette expérience n’est pas faite une fois pour toutes. Il faut, dans chaque cas et chaque jour, la répéter à nouveaux frais. Il n’y a pas de vérité, il y a seulement un travail quotidien de désillusionnement. Je croyais avoir trouvé aujourd’hui la réponse à mes interrogations, mais demain, si je reste éveillé, l’inexactitude ou la fausseté apparaîtront. L’expérience faite grâce à la psychanalyse a été pour moi décisive. Elle a été l’appui qui m’a permis d’être sans appui, seul.

Pourquoi alors vous en être détourné ?

François Roustang : Je ne dirais pas que je me suis détourné de la psychanalyse. Je l’ai plutôt traversée, comme on court le risque de traverser un désert ou une forêt avant de retrouver son chemin. Je me suis égaré au sens où j’ai perdu mes repères. En psychanalyse, ce qui est fondamental, c’est de pouvoir parler sans chercher à produire du sens, sans signification. Il faut être hors de soi, se laisser aller à l’inintelligibilité du langage. C’est dans ces apparents moments de folie qu’apparaît un fond, qu’apparaît la vie.


Pourriez-vous me parler de votre rencontre avec l’hypnose ?

François Roustang : J’ai rencontré l’hypnose sous la forme de la suggestion [influence exercée par le psychanalyste pendant la séance, ndlr] dans ma pratique de psychanalyste, mais également dans ma lecture de Freud. Quand des psychanalystes nous racontent avec obstination et sans nuance que Freud a abandonné l’hypnose, ils prouvent qu’ils sont de piètres historiens. On la retrouve dans ses premiers textes, dans les Études sur l’hystérie, dans les premières pages de la « Science des rêves », où il dit explicitement, par exemple, que l’association libre [règle qui consiste à dire tout ce qui passe par l’esprit sans en chercher le sens] est impossible sans quelque chose de semblable à l’état hypnotique. Avant de m’y intéresser, je partageais l’avis de mes collègues : l’hypnose était une chose exécrable. Mais tout de même, j’ai voulu vérifier et en savoir plus. De hasard en hasard, j’ai eu dans les mains un livre de Milton H. Erickson. Puis j’ai rencontré une Américaine qui avait été formée à l’hypnose par des disciples de cet Erickson et qui nous a fait faire, avec un petit groupe d’amis, un certain nombre d’expériences. Les effets n’avaient rien à voir avec ce que j’avais entendu. Ce fut un moment joyeux et libérateur.


À quoi l’état hypnotique mène-t-il ?

François Roustang : Il conduit le patient à ne rien faire, lui fait expérimenter un état où il ne peut rien faire. Qu’est-ce qui reste alors ? À quoi le patient est-il réduit ? Qu’est-ce qui reste quand on a enlevé à quelqu’un tout ce qui relève de son initiative ? Qu’est-ce que l’être humain ne peut pas se donner ? Il ne peut pas se donner la vie, se donner son état d’être vivant, le contact avec son état d’être vivant, la plongée dans sa propre vitalité. Et c’est cette expérience qui produit des effets parfois surprenants.


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